RUBRIQUE PAIEMENT INSTANTANE

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Philippe LEGENDRE

Directeur d'activité

Quels enjeux ? Quels impacts ?

Actuellement, selon la Commission européenne, chaque jour, plus de 200 milliards d’euros sont bloqués dans l’Union européenne, en attente d’être transférés, le virement classique prenant un à trois jours ouvrables. Le compte qui envoie l’argent est pourtant débité immédiatement.

Le virement instantané est une bonne initiative pour la trésorerie des entreprises et plus pertinent pour le consommateur. De plus, la fraude y est plus faible que pour la carte bancaire ou le chèque.

Malgré de nouvelles fonctionnalités (API, remise de masse) et des services additionnels, le paiement instantané ne représente qu’environ 13 % des virements dans l’UE, et moins de 7 % en France.

La raison principale est simple : les banques le facturent (jusqu’à 1 €) ou ne le proposent pas (seulement 25 % des BIC de l’UE sont atteignables).

La Commission européenne souhaite faire du virement instantané la norme, en imposant un alignement tarifaire sur celui du virement classique, qui est majoritairement gratuit en France.

Elle a adopté en octobre dernier une proposition législative visant à rendre le paiement instantané en euros accessible à tous les particuliers et à toutes les entreprises qui possèdent un compte bancaire dans l’UE ou dans un pays de l’EEE. La proposition vise à faire en sorte que les paiements instantanés en euros soient abordables et sûrs et puissent être traités sans difficulté dans l’ensemble de l’UE.

En France, certaines banques ont anticipé. Après le Crédit Mutuel et Boursorama, La Banque Postale a annoncé la généralisation du virement instantané sans frais début avril.

Le projet de règlement a été publié. Il ne s’applique qu’aux établissements de crédit. Les établissements de monnaie électronique (IME) et les établissements de paiement (IP) sont exclus du champ d’application.

Avant de devenir loi, il devra être revu, probablement modifié et approuvé par le Conseil européen et le Parlement européen.

La proposition, qui modifie et modernise le règlement de 2012 relatif à l’espace unique de paiement en euros, dit « règlement SEPA », comprend quatre exigences concernant les paiements instantanés en euros :

  • garantir la disponibilité universelle des paiements instantanés en euros;
  • rendre les paiements instantanés en euros abordables, à un prix inférieur à celui des virements classiques et non instantanés en euros ;
  • renforcer la confiance dans les paiements instantanés, avec l’obligation de vérifier la concordance entre le numéro de compte bancaire (IBAN) et le nom du bénéficiaire afin d’alerter celui-ci d’une éventuelle erreur ou fraude avant que le paiement ne soit effectué ;
  • éliminer les freins dans le traitement des paiements instantanés en euros tout en préservant l’efficacité du mécanisme de filtrage des personnes faisant l’objet de sanctions de l’UE, grâce à une procédure par laquelle les prestataires de services de paiement effectueront au moins quotidiennement des vérifications concernant leurs clients au regard des listes de sanctions de l’UE, au lieu de vérifier toutes les transactions une par une.

À ce stade, le projet prévoit des délais de mise en œuvre échelonnés, entre 6 et 36 mois différenciés selon les volets de l’initiative et selon que les États membres appartiennent ou non à la zone euro, afin de garantir un délai de mise en œuvre approprié.

Les préambules du règlement stipulent qu’il s’applique à toutes les interfaces clients, y compris les remises de masse (virements de salaire à titre d’exemple).

Le paiement instantané impacte considérablement les banques.

En effet, les paiements instantanés doivent être disponibles 24/7 tout au long de l’année.

Les banques doivent donc s’assurer que leur architecture de paiement est capable de réaliser l’ensemble des traitements de bout en bout en temps réel. Cela comprend la gestion des échanges via les canaux de paiement, les systèmes de filtrage, les mécanismes de détection des fraudes, les moteurs de paiement et les systèmes comptables. Le reporting pourra également être adapté. Cela signifie que les banques doivent concevoir et tester la résilience de leurs dispositifs, qu’elles doivent tenir compte des contraintes spécifiques au paiement instantané dans la façon dont les mises à jour logicielles sont déployées et dans la façon dont la maintenance est effectuée pour ne pas perturber la disponibilité des services.

Les fournisseurs de services doivent évaluer attentivement leurs capacités pour envoyer et recevoir des paiements instantanés. Ils devront examiner la façon dont ils doivent adapter leurs modèles opérationnels pour soutenir les opérations de paiement en continu. Alors que la gestion des liquidités peut être largement automatisée en fixant des seuils et des plafonds de liquidité dans l’infrastructure du marché, des processus tels que l’assistance à la clientèle et la surveillance peuvent nécessiter un accompagnement 24 heures sur 24.

La proposition concerne également les remises de masse (celles-ci peuvent contenir des dizaines, voire des centaines, de milliers de paiements). Même les plus grandes banques devront adapter les capacités pour être en mesure de traiter le nombre requis de transactions par seconde et le nombre de remises en simultané.

Le projet de loi est extrêmement ambitieux sur le plan de la portée et contraignant sur les délais.

Les banques qui ne sont pas encore capables de proposer le paiement instantané doivent préparer leur feuille de route.

Les banques qui le proposent déjà doivent évaluer leurs limites en termes de résilience et de capacité de traitement et échelonner les adaptations nécessaires pour faire face à la montée en charge à venir.