CASH MANAGEMENT

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Marc-Alexis BARRON

Directeur d'activités en charge du développement cash management corporate

L’impact de l’instantanéité́ sur le cash management ou les bienfaits d’une gestion de trésorerie en temps réel

« Parce que le monde bouge ». Souvenez-vous : 20h35, votre télévision bouclait ce billboard de parrainage de la « prophétique » météo. Nous étions en 2004 !

Depuis le phénomène de digitalisation des années 2000 au take-off de la transformation digitale (phase 1)[1] des années 2010, des changements structurels sont apparus. Moteur de la mutation de nos modes de vie (le smartphone a remplacé le doudou !) et de nos organisations, l’innovation technologique dissipe peu à peu les « barrières spatio-temporelles[2] » pour instaurer une nouvelle culture, un nouveau standard de consommation client : l’immédiateté.

Dès lors, l’avènement de ce « temps réel[3] » interroge sur la cohabitation de deux architectures : celle d’un servicing « temps réel » via des systèmes frontaux toujours plus conviviaux & fluides (UI/UX/nouveaux moyens de paiement, fidélisation client) adossée à un Core model (avec un legacy en cours de digitalisation) assis sur du traitement batch. Mais la « viabilité » de cette architecture est-elle pertinente ?

En réaction aux crises actuelles (pandémie, Ukraine, récession, inflation, coût énergétique, réindexation des taux d’intérêt, volatilité des marchés) et aux arbitrages métiers de plus en plus complexes, de nouvelles priorisations émergent des trésoreries d’entreprise. Celles-ci opèrent la transformation de la fonction Finance en faisant notamment converger leurs procédures globales et outils (TMS & ERP), stimulées par les nouvelles technologies (IA), vers la gestion en temps réel (analyse des flux financiers, tenue de compte & gestion de la position minute, data stratégiques dans les processus financiers, prise de décision, meilleure visibilité sur la circulation du cash).

82 %[4] des directions financières tablent désormais sur une refonte de leur approche budgétaire.

Mais l’arrivée en force de nouvelles initiatives (réglementaires & évolutives de l’écosystème) visant la normalisation, la simplification et la fluidité des échanges B2B (SWIFT GPI, migration ISO 20022, facturation électronique, passage au full IP, EPI nouvelle version) sonne la convergence vers un nouveau paradigme : l’instantanéité (et donc son corollaire : la fin du batch !) comme le new normal du cash management.

La profession financière corporate a besoin de vitesse, certes dans le pilotage du cash, notamment dans l’exécution des paiements, mais pas sans traitement sécuritaire & intelligent (recours à l’IA pour la LCLF, plus grande capacité de prévision dans les forecasts et de tracking).

Or, si les paiements instantanés (SCT Inst, virements initiés, RTP) facilitent la projection vers de nouvelles ambitions, les ROI associés aux différents cas d’usage ne seront évidents qu’à hauteur d’une bascule généralisée de l’écosystème vers le temps réel (en cible le full IP). Seuls ≈10 % des trésoriers[5] disposent de solutions d’accès temps réel aux liquidités.

Ainsi, pour y parvenir, plusieurs leviers de transformation sont possibles : l’enrichissement de la data rendue possible par les déploiements de SWIFT GPI, la migration SWIFT ISO 20022 qui comme la facture électronique suscite l’intérêt pour les paiements instantanés (dont le potentiel ne sera exploitable qu’à concurrence de la disponibilité des reportings en temps réel). De même, en simplifiant l’interopérabilité et la communication entre fournisseurs de services et clients, la norme ISO 20022 assure efficacité et sécurité des échanges de fichiers. Des données de meilleure qualité pour des paiements plus sûrs et rapides améliorent significativement les taux de STP[7] et réduisent les coûts de maintenance de tous les formats et l’adoption des solutions d’analyse de données à forte valeur ajoutée, comme la demande de paiement ou encore la facturation électronique. Celle-ci permet, outre le gain de traitement (réduction de coûts de 50 à 75 % macro-estimée par la DGE[8] pour un gain de 80 % d’automatisation temps réel grâce à la dématérialisation des processus), l’instantanéité et la fiabilisation de la donnée financière automatiquement intégrée (dans l’ERP), au service d’une qualité des forecasts et des modèles induits. Un apport crucial quand 78 % des directions financières se disent préoccupées par l’amélioration de la prédictibilité des flux de trésorerie à long terme.

De plus, pour être toujours plus agiles et flexibles, les trésoriers peuvent tabler sur les API (et l’open banking associé), qui leur permettent de disposer d’informations on demand & real time (relevés, soldes bancaires…), rendant les flux en temps réel tout au long du processus de trésorerie et améliorant mécaniquement le prévisionnel.

Et demain, un cash pooling temps réel ? Basé sur des API elles aussi « temps réel », ce dernier permettrait des nivellements intrajournaliers (automatisables) dont le fonctionnement pourra être basé sur des schémas établis ou personnalisés permettant ainsi de gérer en temps réel les positions de liquidité.

De plus, la mise en place d’une trésorerie temps réel passerait a fortiori par des approches de type centralisation de trésorerie appliquée à des comptes virtuels permettant une centralisation instantanée des liquidités avec visibilité & accessibilité. Mais pour ce faire, les trésoreries d’entreprise doivent préalablement opérer un changement de culture, et ainsi considérer l’activité traditionnelle de gestion de positions de trésorerie comme une activité dynamique, et de nouvelles compétences analytiques & data telles un Data Protection Officer (DPO) sur un périmètre Cash Management.

Si 2022 sonnait la « fin de l’abondance » ? 2023 marquera « l’instantanéité » comme nouveau sous-jacent, standard d’échange B2B et nouveau paradigme du cash management. Ainsi, l’instantanéité (monitoring des flux en temps réel, optimisation du BFR, mutualisation des ressources de trésorerie disponibles, construction de positions prévisionnelles plus solides…) conforte l’assise de la trésorerie dans une fonction plus stratégique qu’opérationnelle.

[1] Straight Through Processing.

[2] Direction Générale des Entreprises.

[3] La phase 2 actuelle étant dédiée à la data.

[4] À l’image d’EPI qui avait pour prérequis, côté banque, le décloisonnement/désilotage des SI monétiques et flux.

[5] « L’avènement du temps réel » est un des quatre principes (avec le big data, l’internet des objets-IOT et l’omniprésence d’internet) sur lesquels s’appuie la transformation digitale pour impacter toutes les entreprises.

[6] Enquête 2023 – PWC DFCG.

[7] Face à leurs homologues, capables au mieux d’anticiper leur besoin en trésorerie à trois ou quatre semaines.

LA GESTION DE LA FRAUDE

Avec une perte de 5 % du chiffre d’affaires tous secteurs confondus, la fraude interne (usurpation d’identité…) représente comme avec l’externe (détournements d’actifs…) un fléau qui « siphonne » les entreprises, mettant à mal l’intégrité de leur SI, la stratégie sécuritaire des données, leur réputation (confiance client) et bien évidemment leur finance.

92 %[1] des entreprises françaises ont été a minima victimes d’une tentative de fraude (soit un préjudice ~100 000 euros par entité légale).

L’une des plus virulentes d’entre elles, la fraude au virement, gangrène la chaîne de paiement des entreprises, au point de contraindre les directions financières à « consommer » toujours plus de solutions innovantes (recours à l’IA, Machine Learning…), faciles à déployer (via SFTP, connecteur natif, API…) et clés en main (contre-mesures immédiates). SEPAmail/diamond, SisID, Trustpair : ces solutions de prévention (axées tantôt sur la criticité de l’authentification des RIB, tantôt sur l’appartenance de comptes bancaires aux tiers sur différents points de risque) ont désormais pris le pas sur le modèle « dépassé » des listes blanches.

Mais si « l’avènement du temps réel[2] » challenge ces solutions (impératif de vitesse[3] oblige), notamment en matière de fraudes[4] (FOVI[5] par exemple), les procédures internes métiers n’en restent pas moins pertinentes[6] dans leur recherche de certitude absolue que chaque combinaison (facture + RIB + destinataire + prestation) qui se présente sur la chaîne de paiement est bien authentique.

[1] Étude PWC – Global Treasury Survey – mai 2021. [2] Virements instantanés SEPA SCT Inst – 24/7/365 en 15 secondes. [3] Fin de l’analyse par batch. [4] Déplacements rapides de fonds entre comptes & mules financières… [5] Faux Ordre de Virement. [6] Au nom du « contrôle de tiers » relevant pleinement de la responsabilité des entreprises.