RUBRIQUE SYRTALS CARDS

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Angelo CACI

Directeur Général - Syrtals Cards

Paiements, Europe vs États-Unis, une confrontation déséquilibrée ?

Nous l’observons, hélas, depuis plusieurs années déjà, mais il semble que les écarts continuent de se creuser entre acteurs des paiements états-uniens et européens.
Nous en voulons pour preuve leur taille/poids au travers de leurs revenus (dernier exercice fiscal annuel) et de leurs capitalisations boursières. C’est non seulement le cas au titre des établissements de crédit avec JP Morgan Chase et Bank of America qui font la course en
tête (valorisation de 860 et 385 milliards us$), mais également des PSP au sens large, cf. un échantillon ci-après :

ÉTATS-UNIS

Société Market cap (en milliards US$) CA annuel (en milliards US$)
Visa 650 35,90
Mastercard 515 28,20
American express 237 66
Fiserv 70 20,70
PayPal 64 31,80
Block 47 24
FIS 34 10,10
Affirm 25 3,20
Toast 21,50 4,96
Corpay (ex Fleetcor) 21,50 4,00
Global Payments 20,60 10,10
Shift4Payments 7,10 3,33
Wex 5,50 2,63
ACI Worldwide 5,30 1,60
Euronet WW 3,60 4,00
Marqeta 2,40 0,90
Payoneer 2,30 1,00
Lightspeed 2,30 0,90
Flywire 1,60 0,50

Il faut noter par ailleurs que la plupart des PSP nord-américains, contrairement à la majorité de leurs homologues européens, ont souvent déployé leurs activités sur plusieurs continents et connaissent encore des croissances à 2 chiffres.
Dans notre région, on dénombre moins de sociétés cotées dans les paiements. Adyen, Klarna et Wise ont des valorisations remarquables, loin devant d’autres PSP bien que certains d’entre eux soient plus gros en termes de CA.

EUROPE

Société Market cap (en milliards US$) CA annuel (milliards US$)
Adyen 51 2,33
Klarna 15,70 3
Wise 14,70 1,63
Nexi 6,90 4,22
Edenred 5,65 3,4
Eurowag 0,90 0,34
Worldline 0,90 5,4
Boku 0,90 0,13
Paypoint 0,61 0,41
Hipay 0,06 0,06
Si l’on considère le clan des licornes ou des sociétés privées, les États-Unis dénombrent quelques « stars » comme Stripe, Ramp, Brex, Plaid valorisées respectivement 105, 22.5, 12.3, 6.1 milliards us$.
Relevons, s’il en était encore besoin, le parcours exceptionnel de la météorite Stripe (dont les origines sont irlandaises) qui brasse désormais plus de 1.500 milliards us$ de flux annuel et ne cesse d’élargir son rayon d’action, en attestent ses initiatives à répétition.

En Europe, nous disposons d’un éventail de sociétés établies telles que Checkout.com, Rapyd, SumUp, Zepz, PPRO, Trustly, Satispay, Viva, Mollie, Planet, Scalapay, Unzer, Payhawk, Payten, Thredd, Enfuce, Gocardless, MyPOS etc… Plusieurs d’entre elles sont d’ores et déjà valorisées plus d’un milliard € et pourraient un jour ou l’autre envisager des IPO.
En France, nous comptons une belle cohorte d’acteurs généralistes ou plus spécialisés dont Ingenico, MarketPay, Monext, Lyra, Hipay, Mangopay, Lemonway, PayPlug, Alma, Fintecture, Smile&Pay, Powens, Spendesk, Paytweak… qui poursuivent leur développement dans leur domaine à l’échelle d’un ou de plusieurs pays (ex : acceptation-acquisition, market place, BNPL, open banking…).

Autre différentiel, celui du montant et de la fréquence des acquisitions réalisées.
En guise d’exemples, on peut évoquer les rachats successifs opérés lors des derniers mois par les PSP suivants :

  • Fiserv : CardFree, CCV, AIB Merchant Services, TD Merchant Services, Money Brésil, Pinch, Payfare
  • Global Payments a effectué la plus grosse acquisition de l’année 2025 en déboursant 24 milliards us$ pour s’emparer de Worldpay
  • Shift4payments : Vectron, Givex, Eigen, Global Blue
  • Stripe : Bridge, Privy

Certes, il ne faut pas omettre de souligner ici que si acheter, c’est bien, finaliser l’intégration de la cible et l’harmonisation des équipes et plates-formes est essentiel au long cours.

Enfin, une énième ligne de démarcation s’est créée si l’on observe les nouveaux entrants misant sur les cryptoactifs et les stablecoins. Les levées de fonds ont engendré plusieurs licornes à l’instar de Ripple, Moonpay, Chainanalysis, Fireblocks alors que certains ont réussi leur IPO tels que Coinbase, Circle, Bullish (valorisation respective de 79, 33, 9 milliards us$).
Sans oublier que les Stripe, PayPal, Fiserv et consorts se lancent ardemment à leur tour dans l’arène des stablecoins, aux côtés de Visa et Mastercard, lesquels, en outre, investissent massivement dans l’IA.

S’il faut être lucide sur la situation actuelle, il ne faut guère tomber dans le découragement, tant s’en faut.

À défaut de l’envergure ou de la couverture géographique qui peut parfois faire défaut, il s’agit de capitaliser sur ses points forts et son agilité, comme le démontre le track record de la paytech Nepting dans la monétique centralisée et les nouvelles solutions d’acceptation.

D’autre part, hormis quelques exceptions, chaque belligérant peut alterner trous d’air et états de grâce.
Il importe dès lors de bien appréhender en permanence les tendances de marché, d’anticiper autant que possible et d’agir sur les bons leviers.
Nous penserons à notre champion Worldline à qui l’on souhaite évidemment de retrouver de l’allant – même si la tâche est rude – au travers de choix judicieux apportant confiance, constance et croissance, mais lesquels : cure d’amaigrissement ou cession d’actifs non stratégiques (cf. la vente de la division MeTS) ; focus sur certaines géographies et
verticales ; adaptation de l’organisation ; amélioration des relations clients ; investissements et innovations sur les segments les plus porteurs etc … ?
Ainsi, les 12 à 18 prochains mois seront probablement décisifs afin, idéalement, de franchir ce cap délicat au risque, sinon, de s’enliser dans les problèmes, d’autant plus que la concurrence est aussi vive que protéiforme et que les analystes financiers sont prêts à dégainer leurs commentaires acerbes au moindre objectif non tenu.

Pour conclure, si nous savons que l’Europe est indéniablement riche de sa diversité, il faut dès lors escompter que la variété de ses acteurs et savoir-faire dans les paiements puisse constituer un atout durable.
De même faut-il espérer, dans un environnement où le mouvement de consolidation ne cessera pas de sitôt, que celui-ci profite également à quelques entreprises du vieux continent, sous réserve bien entendu que les rachats et fusions fassent sens et soient in fine pleinement aboutis.