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Newsletter N° 48 - Décembre 2025

   Editorial

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Laurent ROUILLAC

PDG Syrtals SI

Choisir l’expertise pour garantir la souveraineté européenne des paiements

Les paiements ne constituent pas un simple rouage technique : ils sont un levier de puissance et un lien vital entre tous les acteurs économiques d’une zone. L’Europe en a pleinement conscience. Mais face à des acteurs internationaux – américains, asiatiques – dont la taille et la stratégie de pénétration de marché facilitent des positions dominantes, il est essentiel d’affirmer une alternative crédible.

Ce choix stratégique repose sur nos atouts : la profondeur de compétences, l’expertise d’ingénieurs et de concepteurs capables de penser le futur des paiements à cinq ou dix ans.
La France et l’Europe disposent de ces forces vives, reconnues et performantes, et elles l’ont démontré dans plusieurs domaines. Encore faut-il savoir les préserver, en résistant aux sirènes du court-termisme, du « moins cher tout de suite ». Car ce qui semble économique aujourd’hui peut coûter très cher demain, lorsqu’on perd la maîtrise de ses propres infrastructures et qu’on dépend de solutions externes.

Garantir la souveraineté européenne des paiements, ce n’est pas s’opposer aux acteurs mondiaux majeurs : c’est créer un contre-pouvoir qui équilibre les forces et empêche toute position de dominance absolue. C’est investir dans nos talents, faire confiance à notre ingénierie, et maintenir cette exigence d’expertise, de rigueur et de vision à long terme. C’est enfin choisir de bâtir un écosystème pérenne, où l’Europe conserve la main sur un domaine aussi stratégique que celui des paiements.

RUBRIQUE SYRTALS CARDS

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Angelo CACI

Directeur Général - Syrtals Cards

Néo-banques et Banques digitales : l’heure des comptes a sonné ?

Syrtals Cards dévoile la 9 ème Saison de son étude sur les néo-banques : un décryptage des acteurs, tendances, enjeux et opportunités d’un secteur en évolution continue.

Au travers cette étude, nous explorons la diversité des protagonistes sur les segments BtoB et BtoC, la variété des contextes/marchés entre pays matures ou en voie de développement, ainsi que les impacts des évolutions réglementaires et technologiques dont l’incontournable Intelligence Artificielle.

Un mix de maturité, de consolidation et de manœuvres continues

Depuis 15 ans, les néo-banques et banques digitales ont bouleversé le paysage mondial, en imposant de nouveaux standards et en accélérant les changements grâce à leur agilité et rapidité d’exécution.
Pourtant, leurs parcours quels que soient leurs origines (start-up, banque, géants du web ou des réseaux sociétés, opérateurs telco…) n’ont rien d’un long fleuve tranquille : entre succession de naissances, disparitions, rachats et pivotements, recherche de rentabilité jusqu’à des réussites éclatantes.

Cette étude révèle notamment :

  • L’avènement de leaders nationaux ou internationaux (ex : Webank, Nubank, Revolut, Chime, Qonto, Kakaobank, Nequi, Monzo…) . Nubank compte près de 130 millions de clients dans 3 pays (Brésil, Mexique, Colombie) et Revolut en revendique plus de 65 millions dans une quarantaine de pays.
  • La persistance de disparités régionales
  • Les leviers d’innovation comme nouveaux moteurs de croissance : intelligence artificielle, cloud, blockchain, data
  • L’incursion de nouveaux larrons issus des paiements, des cryptos et autres stablecoins
  • La nécessité de se différencier en permanence pour conserver son avance ou ne pas se laisser distancer (individualisation des expériences, extension d’offres, internationalisation, agréments idoines, taille critique…).

Dans un contexte concurrentiel exacerbé et de multi-bancarisation généralisée, l’enjeu ne réside plus uniquement dans l’acquisition des clients, mais dans la capacité des acteurs à devenir leur partenaire financier de référence au travers d’une offre fluide, ciblée et constamment enrichie.

Sans conteste, les néo-banques ont prouvé qu’elles pouvaient capter des dizaines de millions de clients et générer des revenus voire des profits significatifs. Toutefois, un classement s’est fait jour entre les « best in class », les poids moyens et la cohorte de poursuivants faisant feu de tout bois afin de ne pas basculer dans la catégorie des déchus.

La France, un marché dynamique et concurrentiel

Les néo-banques d’origine française ou étrangère ont indéniablement bousculé l’establishment de par la variété des segments et services couverts en BtoC et BtoB.
Naguère cantonnées aux service de base (comptes, cartes), elles montent en gamme et proposent des services dans d’autres registres (épargne, crédit/financement, assurances, investissement, bourse, achat cryptos…).

Toutefois, les acteurs classiques n’ont pas manqué de contre-attaquer et disposent de capacités, ressources, voire de véhicules ad hoc leur permettant de résister, à l’instar de SG (BoursoBank), BNP Paribas (Hello Bank et Nickel), Crédit Agricole (Blank et BforBank), Arkea (Fortuneo), Crédit Mutuel Alliance Fédérale (Monabanq).

La tension monte immanquablement du fait des niveaux de risques accrus et des parts de marché conquises par les challengers dont les plus aguerris disposent de positions enviables. De surcroît, ils ne manquent pas d’ambitions pour désarçonner leurs aînés, d’autant plus si demain, ils glanent toute « l’honorabilité requise » grâce à des agréments bancaires.
Dans un tel contexte, seuls les acteurs capables de conjuguer volumes, innovation et solidité financière tireront durablement leur épingle du jeu.

Syrtals Cards vient de publier la Saison N°9 de son étude « Vous avez dit Néo-banques ?
Évolutions et Perspectives en France et à L’étranger » disponible sur notre site web Syrtals Cards

RUBRIQUE PAIEMENTS

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Victor CHAMPIOT

Référent monnaies numériques

Stablecoins : le changement de dimension

Jusqu’à récemment, la blockchain pouvait être considérée comme une technologie sans application réelle, si l’on excluait la sphère silotée du trading de crypto-actifs et des loisirs (gaming, NFT, metaverse, …). Elle s’impose désormais comme une réalité concrète à grande échelle via l’essor des stablecoins dans les paiements et la tokenisation des actifs réels dans la finance (Real World Assets).

Aperçu dans la finance

La tokenisation des actifs réels est le processus par lequel un actif du monde réel tangible et non-monétaire (titres, créances, matières premières, immobilier, œuvres d’art, …) est représenté, fractionné ou non, sur une blockchain sous la forme d’un objet numérique appelé token. Chaque token correspond à un droit de propriété et peut être échangé sur une blockchain de façon accessible, liquide, rapide et traçable.
Des freins à l’adoption existent, dont le cadre réglementaire en construction, la sécurité à garantir, les défis technologiques (complexité, standardisation, interopérabilité, scalabilité, …).

Zoom sur les paiements
Un stablecoin est un type de crypto-actif spécifique. C’est un token émis sur une blockchain, dont la valeur est dite « stable », car adossée à un actif de référence (une monnaie fiat comme le dollar, une matière première comme l’or…). Cette stabilité peut être garantie par des réserves d’actifs du monde réel monétaires ou non-monétaires − souvent la valeur sur laquelle ils sont indexés −, par d’autres crypto-actifs ou par des mécanismes algorithmiques sans collatéral réel.

Une adoption croissante, mais inégale

L’adoption des stablecoins est globalement croissante dans le monde et conditionnée par les réglementations locales en raison de ses impacts sur le système monétaire, économique et financier. En revanche, localement, des politiques sont plus ou moins favorables au développement des stablecoins. Le Genius Act américain est semblable au règlement MiCA européen dans sa démarche de clarification et d’encadrement juridique, ainsi que sur de nombreux points clés (approbation de l’émetteur, supervision des autorités, exigences de réserves 1 pour 1, interdiction du versement d’intérêts). Cependant, le Genius Act peut être considéré comme plus favorable aux stablecoins que MiCA. En effet, il est plus précis, car il régule la fonction de paiement (notion de payment stablecoin) et pas seulement l’émission du jeton comme MiCA (notion d’Electronic Money Token, équivalent sur la blockchain de la monnaie électronique déjà régulée). Il est aussi plus flexible en restreignant moins les types d’acteurs autorisés à émettre des stablecoins (banques et établissements de monnaie électronique de l’UE seulement d’après MiCA) et la nature des réserves (monnaie fiat et dépôts dans l’UE seulement d’après MiCA).

Quelques chiffres

En septembre 2025, l’offre globale de stablecoins est autour de 300 milliards de dollars, contre seulement 10 milliards cinq ans auparavant. Près de 150 millions d’adresses blockchain détiennent des stablecoins, parmi lesquelles 10 millions réalisent des transactions chaque jour. En 2024, les volumes de transactions en stablecoins dépassent ceux de VISA et Mastercard combinés. Il faut tout de même préciser qu’une grande partie de ces volumes, estimée autour de 80 %, ne correspond pas à des paiements réels, mais à des mouvements on-chain (transferts entre wallets d’un même propriétaire, transferts sur des exchanges pour trading, opérations de finance décentralisée de prêt, staking, arbitrage, …).

Des avantages certains

Les paiements en stablecoins présentent des avantages :
– la rapidité des transactions (quelques secondes ou minutes, 24 h/24 7 j/7) ;
– la faiblesse des coûts (surtout les paiements internationaux et les petits montants) ;
– la traçabilité des transactions (enregistrement immuable sur la blockchain).

Émergence de cas d’usage paiement

En quelques années, les stablecoins sont passés d’outils de trading sur le marché des crypto-actifs à moyens de paiement globaux couvrant de nombreux cas d’usage :

1. Paiements P2P
Le P2P correspond aux transferts entre particuliers, auxquels on peut ajouter les opérations du secteur informel. Les paiements P2P en stablecoins se sont développés en raison de leur coût faible et propice aux petits montants. Le P2P représente historiquement le premier cas d’usage paiement des stablecoins, il est important en volume et continue de croître.

2. Paiements C2B
Le C2B correspond aux paiements en magasin (retail) et en ligne (e-commerce) effectués par wallets et cartes crypto. Les systèmes traditionnels existants étant rapides et efficaces, le C2B est plus modeste en volume, mais il est en croissance, tiré notamment par les cartes cryptos (investissements massifs de VISA et Mastercard).

3. Paiements B2B
Le B2B correspond aux paiements transfrontaliers entre entreprises, aux règlements des fournisseurs et partenaires, aux paiements de trésorerie entre filiales. Il représente le cas d’usage le plus important en volume et le plus prometteur, avec la progression la plus forte.

Un peu de technique

Les rails de paiement blockchain constituent l’infrastructure permettant les transferts de stablecoins. Ces derniers peuvent être soit directement transférés d’une partie à l’autre (stablecoin – stablecoin), soit acquis en échange de monnaie fiat, puis transférés et rééchangés en monnaie fiat (fiat – stablecoin – fiat).

Intérêt et implication des banques

Autre point clé soulignant le changement de dimension des stablecoins, les banques s’intéressent à l’intégration de ces services de paiements à divers degrés :
– proposer des wallets stablecoins sécurisés ;
– interagir avec les blockchains par API pour proposer des services à valeur ajoutée
(validation des transactions, réconciliation des flux, automatisation des paiements,
suivi on-chain…) ;
– se raccorder directement aux rails blockchain sans intermédiaire (prise en charge
de la conservation des stablecoins, gestion des risques, KYC/AML…).

Cela relève à la fois d’une stratégie défensive pour anticiper et limiter le risque de désintermédiation bancaire, mais aussi offensive pour se positionner et prendre des parts de marché. Les banques cherchent même à émettre leurs propres stablecoins.
En France, la Société Générale lance l’EURCV dès 2023, suivi de l’USDCV en 2025.
La principale limite de l’émission de stablecoins par les banques est la fragmentation, qui implique des tokens peu interchangeables, un marché peu liquide, des difficultés d’intégration pour les clients. Pour répondre à ce problème, les banques se rassemblent en consortiums : initiative de dix grandes banques des pays du G7 pour
lancer des stablecoins adossés aux devises de ces pays (USD, EUR, JPY, GBP, CAD, CHF), initiative de neuf banques européennes pour lancer un stablecoin adossé à l’euro pour la seconde moitié de 2026.

Au-delà des paiements

Les paiements en stablecoins constituent en soi un enjeu majeur, mais ils ouvrent aussi une porte vers d’autres activités stratégiques telles que la gestion de trésorerie, le placement, le crédit… sur lesquelles les banques ont des arguments de poids. Le principal frein à l’adoption des stablecoins est, comme pour la tokenisation des actifs réels, la clarté de la réglementation.
C’est d’autant plus vrai en Europe où l’euro numérique en tant que monnaie numérique de banque centrale (MNBC) est en cours de construction, d’abord sur le plan législatif en 2026, puis sur le plan pratique avec un lancement prévu en 2029.
En attendant, la question de la concurrence, et avec elle de la complémentarité ou substituabilité, entre l’euro numérique et les stablecoins se pose. Elle devra être tranchée au plus tôt pour favoriser, optimiser les investissements et les projets autour des stablecoins en Europe. En 2025, plus de 95 % des stablecoins sont adossés au dollar américain, contre moins de 1 % à l’euro.

Retour à la finance

Aux États-Unis, la monnaie numérique de banque centrale est très encadrée et contrainte, la FED ne pouvant pas émettre de dollar numérique sans l’approbation du Congrès, cas peu probable. Ce sont donc les solutions privées américaines, via les stablecoins, tels que l’USDT de Tether et l’USDC de Circle, qui jouent le rôle de monnaie (au sens fonctionnel, pas juridique) de règlement on-chain pour les opérations des acteurs institutionnels sur les actifs tokenisés. Ainsi, l’intérêt de la réglementation est notamment de clarifier les périmètres sur lesquels chaque type de produit et d’acteur peut se positionner de façon pérenne.

  RUBRIQUE SYRTALS MARKETS

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Nidhal JAADARY

Directeur Syrtals Markets

Tokenisation, DLT & smart contracts : quand les custodians et les CSD réinventent la finance numérique

L’industrie du post-marché vit un moment charnière. Longtemps perçus comme des innovations périphériques, la tokenisation des actifs financiers, les registres distribués (DLT) et désormais les smart contracts s’imposent comme des briques technologiques capables de remodeler en profondeur la chaîne de valeur des marchés financiers. C’est non seulement une évolution, mais une transformation de fond qui redéfinit les infrastructures, les responsabilités, et les modèles économiques de l’ensemble du marché.

Quelques définitions

Distributed Ledger Technology (DLT)
La DLT est une technologie de registre distribué permettant à plusieurs acteurs de partager, synchroniser et valider un même registre de données sans autorité centrale unique. Chaque transaction est inscrite de manière immuable, horodatée et sécurisée cryptographiquement. La blockchain en est un exemple, mais toutes les DLT ne sont pas des blockchains.

Tokenisation
La tokenisation consiste à représenter un actif (titre financier, immobilier, dette, part de fonds, créance, etc.) sous forme numérique, un token, inscrit sur une DLT. Ce token devient alors l’expression officielle de la propriété, transférable presque instantanément, avec possibilité d’automatiser son cycle de vie.

Smart contracts
Les smart contracts sont des programmes qui s’exécutent automatiquement sur DLT.
Ils permettent de coder des règles réglementaires, opérationnelles ou contractuelles et d’en automatiser l’application : distribution de dividendes, validation d’un règlement DvP, mise à jour des droits de vote, fiscalité, reporting… Ils constituent le moteur opérationnel du post-trade digital.

Au cœur de cette mutation se trouvent les dépositaires globaux et prestataires de services titres, ainsi que les infrastructures systémiques que sont les CSD (Euroclear, Clearstream…), dont les rôles, responsabilités et modèles économiques sont amenés à évoluer. Certains y voient un risque pour les équilibres existants.
D’autres y voient l’occasion de refonder la finance sur des bases plus rapides, plus transparentes et plus efficientes. Une certitude émerge : la transformation est déjà engagée.

Un modèle robuste, mais sous tension
La chaîne post-marché repose aujourd’hui sur une architecture multi-intermédiaires : brokers, custodians, sub-custodians, CSD, CCP, asset managers. Ce modèle a assuré la stabilité du système, mais il est lourd, fragmenté, coûteux et repose sur des processus manuels et des réconciliations permanentes. L’Europe reste majoritairement en T+2 quand les États-Unis sont passés en T+1. À l’heure où la finance se mondialise, où la pression sur les coûts augmente, où l’instantanéité devient un standard, ce modèle éprouvé, mais complexe, atteint ses limites. La DLT
émerge alors non comme une alternative marginale, mais comme une réponse structurelle.

DLT Settlement Systems (DLT) : menace ou nouveau paradigme ?
Dans un système où l’actif et la monnaie sont tokenisés et coexistent sur une DLT, le règlement-livraison peut théoriquement s’exécuter sans infrastructure centralisée. Le registre distribué porte la preuve du transfert, la propriété et la finalité de règlement.

Ce périmètre touche le cœur même des missions historiques des CSD. Pourtant, la finance ne repose pas que sur une architecture technique : elle repose sur la gouvernance, la responsabilité juridique, le maintien de la stabilité systémique.
C’est pourquoi les expérimentations en Europe montrent que le futur ne sera pas la disparition des CSD, mais leur repositionnement en opérateurs d’infrastructures distribuées, garants de conformité, de résilience et d’interopérabilité.

De la conservation de titres à la conservation cryptographique
Pour les dépositaires globaux, la transition est profonde. Leur rôle pourrait évoluer de la conservation de titres vers la sécurisation de clés privées institutionnelles, la supervision des flux on-chain, l’audit et la validation de smart contracts, et la gestion automatisée des événements sur titres. La tokenisation ouvre également la voie à
des plateformes d’émission et de distribution programmables, où le reporting, la fiscalité et la gouvernance du titre sont exécutés par code.
L’enjeu opérationnel est majeur : moins de frictions, moins de réparations, moins de réconciliations, un settlement accéléré et un modèle OPEX structurellement plus léger.

Le rôle clé des smart contracts
L’innovation ne se limite pas à la numérisation des actifs. La rupture se produit lorsque les règles qui les gouvernent deviennent programmables. Grâce aux smart contracts, les corporate actions peuvent être distribuées automatiquement, les droits de vote ajustés en temps réel, un DvP peut s’exécuter instantanément, un coupon
peut tomber sans intervention humaine. La fiscalité, le reporting et même certains contrôles réglementaires peuvent être inscrits dans le code. Sans smart contract, la DLT améliore le registre. Avec smart contract, elle réinvente le post-trade.

Les CSD repositionnés
Les CSD demeurent la colonne vertébrale de la confiance systémique. Leur rôle se déplace progressivement de la tenue centralisée de registre vers la gouvernance des réseaux DLT, l’opération de nœuds institutionnels, la supervision des règles on-chain et l’interconnexion avec T2S. Leur valeur ne réside plus uniquement dans la centralisation de l’infrastructure, mais dans la capacité à assurer stabilité, conformité et continuité dans un marché distribué.

Une opportunité stratégique pour toute la chaîne de valeur
La DLT redistribue la valeur à l’ensemble de l’écosystème. Les custodians peuvent capter de nouveaux revenus via la custody cryptographique institutionnelle, l’audit de smart contracts et la distribution d’actifs tokenisés y compris dans le private market.
Les CSD peuvent devenir l’ossature technique des futures infrastructures financières paneuropéennes. Les asset managers, eux, bénéficient d’une distribution accélérée, d’un reporting temps réel et de processus transfrontaliers fluidifiés.
La DLT n’est pas un outil supplémentaire : c’est un nouvel environnement opérationnel.

Tokenisation, DLT et smart contracts ne sont pas une simple évolution technologique. Elles annoncent une refonte structurelle du post-marché. Les acteurs capables d’embrasser le modèle digital, programmable et interopérable deviendront les piliers du système financier de demain. Les autres risquent de voir le marché se reconfigurer autour d’eux. La question n’est plus si la finance se tokenisera, mais qui écrira l’architecture de ce nouveau marché.

RUBRIQUE PAIEMENTS

Ruth-Levy

Ruth LEVY

Consultante Moyens de paiement et Reporting

La vérification du bénéficiaire (VoP), premiers constats ?

La vérification du bénéficiaire (VoP), contrôle de concordance du bénéficiaire indiqué par le donneur d’ordre d’un virement SEPA, classique ou instantané, avec le titulaire du compte, vise à renforcer la lutte contre la fraude aux paiements. Quels sont les premiers enseignements de la mise en œuvre de cette obligation européenne depuis
le 9 octobre ?

Le service de vérification du bénéficiaire a montré son efficacité dès son entrée en vigueur, notamment pour les virements unitaires.
La communication par les établissements bancaires a été bien anticipée et diffusée, et les parcours clients digitaux aménagés pour prendre en compte cette nouvelle étape du processus de paiement. Quelques lenteurs dues au réseau ont néanmoins été constatées.

Des aménagements en cours côté établissements bancaires
Toutefois, au niveau européen, quelques difficultés nécessitent des aménagements dans les prochaines semaines afin de garantir l’interopérabilité globale du système.
Des problèmes de certificats ont été localement remontés.
Certains établissements utilisent un BIC sur huit positions, alors que le système est basé sur les BIC 11. De ce fait, l’atteignabilité de ces établissements a été impossible et des rejets ont été relevés.
Par ailleurs, des interprétations divergentes dans différents pays européens sur l’utilisation de certains champs ou l’implémentation de la norme ont conduit à des rejets techniques de demandes de vérification cross-border.
Certaines banques européennes ont pu apporter des précisions sur ces aménagements. Cette pratique pourrait se généraliser et amener à des précisions et ajustements dans les spécifications de l’EPC ou des accords bilatéraux.
Il faut noter, par ailleurs, que la validation tardive des guides conduit à des ajustements encore en cours chez les éditeurs.

Et du côté des entreprises ?
Dans leur grande majorité, les entreprises n’ont pas encore fait le pas d’émettre tous leurs paiements avec l’option de vérification. Elles sont encore prioritairement focalisées sur le démarrage de CBPR+ de novembre 2025, et n’ont pas encore modifié leur processus d’émission de paiements de masse.
La tendance serait une adoption progressive de la VoP par les entreprises au cours du 1 er  semestre 2026.

Premières données chiffrées
Une semaine après le démarrage SEPAMail a communiqué les premiers éléments relevés sur la plateforme SEPAMail Diamond2.

  • Plus de 80 % des demandes des flux de la place française passent par SEPAMail, et il n’a pratiquement pas été relevé de problèmes techniques sur ces demandes (8 millions de demandes entre le 9 et le 14 octobre). À noter que le démarrage des différentes banques est progressif, les flux sont en augmentation, avec une baisse sensible durant le week-end.
  • Ces demandes ont donné lieu globalement à 50 % de réponses « Match », et 20 % de « Almost Match » du côté des donneurs d’ordre, et 60 %/20 % du côté des teneurs de compte.
  • La place française n’a pas remonté de retard sur les paiements du fait des réponses No match ou des rejets techniques.

Le 22 octobre, soit deux semaines après le démarrage, l’ABBL, l’association bancaire du Luxembourg, a diffusé des premiers chiffres, toutes clientèles confondues.

  • Le temps moyen de réponse relevé est de 149 millisecondes, bien inférieur aux 5 secondes requises par la réglementation.
  • 60 % des virements contrôlés ont obtenu une réponse « Match », soit une concordance parfaite entre le nom du bénéficiaire fourni par le donneur d’ordre et le nom enregistré par la banque du titulaire du compte.
  • 19 % ont abouti à un « Close Match », une correspondance proche entre les deux noms, avec indication en retour du nom enregistré auprès de la banque du titulaire.
  • 14 % des virements ont conduit à un « No Match ».
  • 7 % n’ont pu faire l’objet du contrôle pour toutes sortes de raisons techniques dont celles évoquées plus haut.

L’ABBL rappelle que dans tous les cas, sur accord du client qui en assume la responsabilité, le virement est exécutable.

Quelles sont les bonnes pratiques ?
La mise à jour des référentiels des bénéficiaires reste une priorité pour bénéficier de la VoP et limiter la fraude. Cette mise à jour doit s’accompagner de l’actualisation des procédures d’ajout ou modification des bénéficiaires ainsi que des procédures de saisie d’un virement ou d’émission de fichiers de paiements.
Les aménagements nécessaires à la mise en œuvre de la VoP doivent être réalisés dans les ERP afin de traiter correctement et rapidement les réponses « Close match », « No match » et « Check not possible », lors de l’émission de virements avec option de vérification des bénéficiaires.
Ces aménagements seront d’autant plus aisés si des clarifications avec la banque permettent de les réaliser en douceur.
Les processus de suppression et recréation des paiements doivent également être clairement définis.

RUBRIQUE PAIEMENTS

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Busra DEMIR

Consultante

Sécuriser les transactions avec la signature cloud EBICS TS

Jeudi 20 novembre s’est tenu le webinaire consacré à l’évolution de la signature bancaire EBICS TS vers une solution cloud. Fabien Landry, dirigeant de Technospheris, accompagné de François Chassery, directeur général de Certinomis, et Nasser Chahi, ingénieur avant-vente chez Sage ont partagé leur expertise sur une transformation majeure : la possibilité de signer via le web ou le mobile, sans dépendance à un token physique.
Cette évolution s’inscrit dans un contexte réglementaire européen (eIDAS 2.0, DSP2)
et répond à des enjeux stratégiques pour les entreprises : simplification des processus, renforcement de la sécurité et adaptation aux nouveaux usages.
Historiquement, la signature EBICS TS nécessitait un dispositif physique, impliquant des contraintes logistiques et techniques. La signature cloud supprime ces freins et ouvre la voie à une expérience plus fluide, interopérable et conforme aux standards internationaux, grâce à des solutions comme le Cloud Signature Consortium et
SWIFT 3sKeyDigital.

La suppression des tokens physiques 
Pour les entreprises, les bénéfices sont concrets. La suppression des tokens physiques allège la logistique et réduit les coûts liés à leur gestion. Elle répond également à la problématique de mobilité des directions financières, souvent en déplacement, qui ont besoin de valider des opérations sans dépendre d’un poste fixe. Cette avancée est donc un levier de compétitivité et de digitalisation.
Lors du webinaire, plusieurs types de questions ont émergé, révélant les préoccupations majeures des acteurs : le calendrier de transition, la simplification des processus d’initialisation sans recours au papier, la conformité des certificats et des OID, la sécurité en cas de perte ou vol du smartphone, ainsi que la fiabilité technique en mode asynchrone, notamment en cas de coupure réseau. Ces interrogations montrent que, si la signature cloud est une avancée majeure, elle nécessite un accompagnement pour garantir une adoption sereine.

En conclusion, la signature dématérialisée est bien plus qu’une évolution technique : elle marque une étape clé dans la transformation digitale des processus financiers.
Elle allège la logistique, favorise la mobilité et ouvre la voie à de nouveaux usages.
Vous souhaitez en savoir plus ou obtenir le replay du webinaire ? Contactez-nous à webinaire@syrtals.com.

Prochain webinaire à ne pas manquer !

Titre : Pilotage et Prévision de trésorerie : un enjeu clé pour traverser l’incertitude économique
Date : Fin janvier 2026

Intervenants :
– Marc-Alexis BARON, Modérateur et Directeur d’activités chez Syrtals
– Benjamin MADJAR, CEO de Cashlab

Nous aurons également le plaisir d’accueillir d’autres intervenants lors de cette session.

Format : Session interactive avec Q&A
Durée estimée : 1 h
Bonus : Une démo exclusive par Cashlab sur le pilotage et la prévision de trésorerie.
Nous vous attendons nombreux ! Intéressé(e) ? Faites-le nous savoir à l’adresse : webinaire@syrtals.com

INTERVIEW

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Christian FUYET

Directeur Offre Produits Flux & Liquidité-Placements
Transaction Banking – Banque des Entreprises et du Développement Local

Question 1 : Dans un environnement économique incertain et fortement digitalisé, comment les directions financières peuvent-elles repenser la gestion du cash pour en faire un véritable levier de pilotage stratégique ?

La gestion du cash reste un fondamental : basiquement, les recettes doivent être supérieures aux dépenses. Le rôle du trésorier est de s’assurer que l’argent rentre le plus vite possible et sorte le plus tard possible, tout en ménageant les partenaires (fournisseurs, clients). Avec, en sus, l’optimisation de la gestion des liquidités via des systèmes de centralisation des fonds.
Les outils numériques leur donnent les moyens d’améliorer ce pilotage.
Par exemple, l’obligation à venir d’utiliser la facturation électronique pour les grandes entreprises (à partir de septembre 2026) va apporter une clarté considérable dans les relations interentreprises. Il ne sera, par exemple, plus possible d’invoquer la non- réception de la facture (par mail ou par la poste) comme excuse. Si la facturation électronique ne garantit pas d’accélérer les encaissements en cas de mauvaise foi, elle devrait permettre d’accélérer les paiements lorsque le retard est dû à des problèmes administratifs. D’autre part, les échanges, encore à normaliser, entre ces plateformes de facturation et les TMS fluidifieront la gestion de trésorerie. D’ailleurs La Banque Postale, qui propose une offre de facturation électronique à ses clients PME/ETI, avec son partenaire Docaposte, y travaille avec des éditeurs de la place.
Nous travaillons aussi à une offre de multi-encaissement permettant à nos clients de gérer en un point unique l’ensemble de ses moyens de paiement. Là encore la digitalisation facilite la vie du trésorier.

Question 2 : Quelles innovations et applications spécifiques vous semblent les plus prometteuses pour accélérer concrètement les encaissements et sécuriser les transactions des entreprises ? 

L’application la plus prometteuse pour améliorer le pilotage de la trésorerie est sans conteste le développement du virement instantané (VI). Alors que le virement ordinaire peut entraîner des délais de réception de plusieurs jours chez le bénéficiaire, notamment si la transaction intervient une veille de WE ou de jour férié, le VI apporte une véritable souplesse dans les flux. Par exemple, l’entreprise bénéficiaire du VI améliore ses encaissements et ses arrêtés comptables de fin de période, ayant la certitude d’une disposition immédiate des fonds. À terme, d’ici une dizaine d’années, l’usage du virement instantané pourrait se généraliser et dominer le marché.
Un exemple parlant du développement du VI est le projet européen Wero/EPI, qui utilise le virement instantané, aujourd’hui pour les paiements entre particuliers, et, en France, dès fin 2026 pour les règlements en e-commerce (les Allemands viennent de démarrer). Entre 2026 et 2028 est prévu un déploiement progressif en magasins physiques. Wero est un facteur d’accélération majeur de rentrée du cash pour les entreprises.

Ce système offre des avantages tangibles et immédiats :
– Une forte accélération des délais d’encaissement : un paiement client effectué à 15 h 41 arrivera sur le compte du commerçant à «15 h 41 » et 10 secondes contre des délais de 24 à 72 heures en carte bancaire.
– Autre avantage du VI, la sécurité et les coûts : le VI est irrévocable, il n’y aura plus d’impayés.
– Enfin, les coûts : Wero est conçu pour coûter moins cher que les solutions de cartes bancaires traditionnelles.
– Et, dernier point : WERO est un facteur important de souveraineté européenne, sujet essentiel en cette période un peu « agitée ».
– Le déploiement est un succès indéniable : les volumes, chez LBP, ont déjà largement dépassé ceux de son prédécesseur, paylib, et nous rentrons plus de 100 000 nouveaux utilisateurs actifs chaque mois.
– Comme indiqué plus haut, l’’offre e-commerce arrivera en fin 2026 en France, avec les premiers pilotes en T4. Progressivement, tous les services existants de la carte bancaire (remboursement, abonnement, débit différé, drive, etc.) seront proposés par Wero.

Le virement se développe donc, mais son talon d’Achille reste le lettrage : qui n’a pas été déjà confronté à un virement au crédit de son compte… dont on ne sait qui nous l’a adressé… La réponse, ce sont les comptes virtuels, comme le propose par exemple notre EP (Établissement de Paiement) Ezyness, avec l’offre Ezyban.
L’entreprise bénéficiaire sait immédiatement qui l’a payée, évitant ainsi des relances inutiles, ce qui participe à l’amélioration du quotidien des trésoriers et des services comptables.
Enfin, il est important de noter que si la vitesse est un atout, elle augmente le risque de fraude. Le virement instantané fraudé est difficile à rattraper, car l’argent est parti en quelques secondes. Le VOP (Verification of Payee) est un premier pas de lutte contre la fraude mais il n’est pas la panacée. Les banques doivent selon moi faire évoluer leurs réflexions pour continuer d’adapter leurs processus de lutte contre la fraude, afin de parer non seulement la fraude externe, mais aussi aider les clients à déjouer les fraudes internes, parfois exercées sous la contrainte ou la menace.

Question 3 : Comment La Banque Postale et le banquier transactionnel envisagent-ils l’évolution de leur rôle dans cet écosystème dominé par la digitalisation, les fintechs et les plateformes ?

Face à l’évolution rapide du marché, le banquier transactionnel reste un partenaire de confiance. La Banque Postale, propose, par exemple, avec ses partenaires des plateformes de commerce électronique, de paiement, de multi-encaissements ou encore de facturation électronique : la banque engage son image, gage de sérieux et de fiabilité, ce qui rassure ses clients, qui ainsi préfèrent passer par la banque plutôt que par des éditeurs tiers. Elle fournit aussi un service co-construit et « clés en main » qui répond bien aux besoins des clients et facilite l’intégration dudit service.
L’engagement envers le projet Wero souligne le rôle de la banque dans la défense de la souveraineté européenne face aux géants américains. EPI est un projet fédérateur qui rassemble la communauté bancaire européenne (française, allemande, belge, hollandaise, et bientôt le reste de l’Europe suite aux accords passés avec Europa).
Pour autant, malgré la numérisation croissante, la banque doit maintenir l’équilibre entre solutions digitales et moyens de paiement espèces. Le maintien des espèces est une nécessité, martelée par la Banque de France. Sans espèces, le risque existe d’être démuni en cas de catastrophe (souvenons-nous de l’ouragan de Mayotte). Les espèces sont aussi indispensables sur le plan des libertés individuelles : dans certains pays où leur usage disparaît, l’individu, que nous sommes tous, est soumis au pouvoir arbitraire des autorités qui peuvent à tout moment le priver des moyens de paiement électronique. Le banquier transactionnel doit donc accompagner la transition numérique sans éradiquer les moyens d’échange essentiels à la liberté de transaction.

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