RUBRIQUE SYRTALS MARKETS

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Nidhal JAADARY

Directeur Syrtals Markets

T+1 Settlement et RTGS
Le passage au settlement T+1 en Europe : un chantier d’envergure

Le passage au règlement en T+1, déjà effectif aux États-Unis depuis mai 2024, n’est pas une simple réforme opérationnelle. Pour les banques de marché, il redéfinit la manière de gérer le post-trade, la trésorerie et la liquidité. Cette transformation doit être analysée en prenant en compte les initiatives des banques centrales sur les systèmes de règlement brut en temps réel (RTGS), qui conditionnent la fluidité des flux financiers.

Dans un environnement T+2, les desks de trading et les fonctions support disposent de deux jours ouvrés pour finaliser les confirmations, exécuter les couvertures de change, mobiliser la trésorerie nécessaire.

Avec le T+1, cette marge de manœuvre est divisée par deux. Pour les banques de marché, cela implique une compression opérationnelle, le temps pour valider les trades, matcher les instructions et acheminer le cash devient extrêmement court. Une pression sur le FX, les conversions de devises pour régler des titres en USD, EUR ou GBP sont décalées car le marché FX reste majoritairement en T+2. Ce qui signifie un risque de fails accru où toute erreur ou tout retard peuvent provoquer une défaillance de règlement, avec des coûts opérationnels et de réputation élevés.

Il devient urgent de mettre en place une réorganisation profonde du post-trade, un meilleur taux de STP (straight through processing) et une gestion de la liquidité quasi en temps réel.

RTGS : un rôle critique pour le Settlement T+1

Les systèmes RTGS – TARGET2 en zone euro, CHAPS au Royaume-Uni, Fedwire aux États-Unis, permettent aux banques de régler leurs positions en monnaie banque centrale. Or, dans un contexte T+1, leurs fenêtres horaires deviennent déterminantes :

  • Les cut-off actuels peuvent limiter la capacité à acheminer les paiements nécessaires au règlement des opérations de marché.
  • Les périodes de fermeture (soirées, week-ends, jours fériés) créent des poches de risque de liquidité.

Les initiatives en cours s’orientent vers une extension des périodes d’ouverture des RTGS :

  • Bank of England : consultation (2025) pour avancer l’ouverture de CHAPS/RT2 dès 1 h 30 du matin et tendre vers un modèle quasi continu.
  • BCE : consultation sur l’extension de TARGET2, avec l’option d’aller jusqu’au 24x7x365.
  • Federal Reserve : projet d’élargir Fedwire à un modèle 22x7x365 dès 2027.
  • Coordination BIS/CPMI : proposition d’une « fenêtre mondiale de règlement » (6 h–11 h GMT), période durant laquelle la majorité des RTGS seraient ouverts, pour faciliter les règlements transfrontaliers.

Ces initiatives permettraient de réduire les frictions entre marchés titres (en cible T+1) et marchés FX, et offriraient aux banques un cadre plus flexible pour mobiliser la liquidité.

Les principaux enjeux pour les banques

Les trésoriers devront faire face à une pression accrue sur la liquidité et la gestion de leur trésorerie en intra-day, le passage en T+1, combiné à des fenêtres RTGS élargies, impose une supervision 24 h/24 des flux cash.

Sur les fonctions post-trade, l’accent sera toujours mis pour maximiser l’automatisation du cycle de confirmation et de règlement et pour adopter des solutions de matching en temps réel et d’API pour réduire les délais de traitement.

Le marché des changes (FX) où un désalignement entre T+1 titres et T+2 FX crée un risque supplémentaire, les initiatives sur CLS et l’adaptation des RTGS devraient atténuer cette tension, mais exigent des banques qu’elles revoient, renforcent leur organisation front-to-back.

Comme l’actualité nous l’impose, la compétitivité et l’attractivité des devises sont des clés. En effet, si l’euro et la livre sterling ne s’alignent pas rapidement sur le dollar, soutenu par Fedwire étendu, ce dernier pourrait renforcer sa position comme devise de règlement préférée.

Stratégiquement, les banques devront :
– maintenir, voire augmenter, l’investissement dans l’automatisation des processus pour absorber la compression des délais post-trade ;
– renforcer leurs équipes de trésorerie et de collateral management, afin d’être capables d’opérer sur des amplitudes horaires élargies ;

– adapter la gouvernance interne pour plus de coordination entre front office, back-office et trésorerie ;

– anticiper les extensions RTGS en connectant les systèmes internes aux nouvelles fenêtres horaires et exploiter les opportunités offertes par des infrastructures plus flexibles.

Pour les banques de marché, le passage au T+1 settlement n’est pas qu’une contrainte réglementaire : c’est une mutation structurelle. Il redistribue les cartes entre acteurs capables d’absorber cette complexité grâce à l’automatisation, et ceux qui peineront à s’adapter.

Les initiatives des banques centrales sur les RTGS jouent un rôle clé dans cet équilibre. En étendant leurs horaires, elles offrent aux acteurs de marché l’infrastructure nécessaire pour gérer la liquidité dans un monde où le règlement est accéléré.