L’Europe de la Carte

L’Europe de la Carte

Malgré SEPA et contrairement aux autres instruments SCT et SDD, l’Europe de la carte reste tiraillée entre « uniformité et « disparité ». Mais faut-il s’en étonner ? Ne serait-ce pas justement l’une des clés de sa longévité et de son futur ?

Dans tous les pays européens, le nombre de cartes de paiement en circulation et le volume de transactions sont en croissance continue. Le développement de nouveaux usages (e-commerce, sans contact, sharing economy…) génère autant d’occasions pour la carte de grignoter des parts de marché sur les espèces ou sur le chèque.

Sous l’effet des directives européennes successives, des centaines d’établissements de paiement et de monnaie électronique (EP/EME), forts de leurs passeports, concurrencent désormais les banques sur une large palette de services de paiement.

Les normes sécuritaires et prudentielles (PCI-DSS, Strong Customer Authentication, KYC, AML, data…) s’appliquent à tous les acteurs de la chaîne des paiements.

Le règlement MIF a impacté l’équation économique des modèles 4-coins en Europe (limite de la commission d’interchange des cartes consumers ; fin de la règle Honour All Cards…), a renforcé la transparence tarifaire et a mis de l’ordre dans les modes de gouvernance des schémas cartes (ex : séparation des activités processing et scheme).

De même, la consolidation entre acteurs se poursuit avec la montée en puissance de prestataires globaux ou régionaux qui étoffent leurs offres et leurs emprises géographiques (ex : Equens- Worldline ; Ingenico ; Paysafe ; Nets ; WorldPay ; Adyen…). L’avenir pourrait donc s’assombrir pour ceux qui n’auraient qu’une activité domestique, pas assez de volumes ou de valeur ajoutée !

L’Europe reste un espace encore fragmenté. Chaque pays européen est marqué par une histoire de la carte qui lui est propre et qui rend par conséquent les offres, les chaînes de valeur et le rôle/poids des acteurs distincts d’un pays à l’autre :

  • persistance de systèmes nationaux (CB, Bancomat, DK, BankAxcept, MB, Bancontact…), de règles et standards spécifiques à certains pays, même si Nexo gagne des supporters chez les grands commerçants, PSPs et acquéreurs ;
  • présence d’acteurs dominants dans certains pays, soit d’origine américaine (ex : First Data, TSYS, Global Payments…) ou européenne. Dans cette seconde catégorie, on notera, outre les banques, le poids des sociétés interbancaires (ou naguère contrôlées par les banques), par ex : SIA et ICBPI en Italie ; Nets en Scandinavie ; RedSys en Espagne ; Six en Suisse et Luxembourg ; B+S et Concardis en Allemagne ; WorldPay au RU ; Worldline en Belgique, etc. ;
  • différence dans l’usage des modes de paiement disponibles (cash, cartes, prélèvement, virement), ou dans celui des cartes prépayées ou des cartes de crédit.

Enfin, force est de constater qu’à date, il n’y a toujours pas de programme carte « européen » et on peut légitimement s’interroger sur la faculté d’en créer un nouveau ex nihilo aujourd’hui, malgré quelques tentatives passées (ex : projet Monnet).

Il ne faut donc pas être surpris de cette situation qui va sans doute encore perdurer quelques années, même si certaines particularités pourront progressivement s’estomper du fait des décisions émanant des instances européennes (et malgré les soubresauts du Brexit).

Où que l’on soit en Europe, la carte ou devrais-je dire les cartes n’ont rien du produit banalisé que sont le virement et le prélèvement, elles constituent encore une arme marketing de conquête et de fidélisation, elles conservent une attractivité et une commodité indéniables en de multiples circonstances pour le grand public et les entreprises. D’ailleurs, les néo-banques nourries au mobile et au digital ne s’y trompent pas quand aucune ne se hasarde à ne pas inclure une ou des cartes de paiement dans son offre (N26, Lydia, Morning, Monzo, HelloBank…).

Alors, sans hésiter, on peut sereinement asséner que l’Europe de la carte va continuer à progresser en cultivant, comme dans d’autres domaines, ses similarités et disparités. De même, elle ne sera pas détrônée de sitôt par d’autres modes de paiement, instant ou mobile payment pour ne citer que les deux noms très en vogue actuellement.

 

Retrouvez l’intégralité de la newsletter de juin 2017 ici…https://www.syrtals.com/newsletter-syrtals-juin-2017/

no_image

Angelo CACI

Directeur général de SYRTALS Consulting in Cards & Beyond