Cette frénésie du big data est-elle le lit de dangers pour les paiements ? Le smartphone devenu addictif, toutes générations confondues, est le premier mouchard, géolocalisant l’usager et aspirateur de données. Demain, ce seront les enceintes, qui nous écoutent déjà, qui pourront participer à l’acte de paiement.

Plusieurs risques, tous liés à la perte du contrôle de cette machine à données, ne doivent pas être sous-estimés. Le danger pour les utilisateurs est la collecte à leur insu de données personnelles, qui viennent alimenter des algorithmes d’intelligence artificielle ou de machine learning servant souvent plus les intérêts des sociétés au détriment des usagers. Neuf Français sur dix sont préoccupés par la protection de leurs données, notamment celles collectées en ligne. En cas de dysfonctionnement avéré, cela pourrait se traduire par des class actions comme aux États-Unis. En corollaire, le risque juridique et financier de fuite ou de perte de données : dernièrement, une grande banque australienne a reconnu avoir perdu des données de 20 millions de ses clients. Le risque d’authentification et le vol ou l’usurpation de l’identité : utilisera-t-on les mêmes identifiants biométriques pour accéder aux réseaux sociaux ou aux applications que ceux donnant accès aux comptes bancaires ? Le risque d’image concerne principalement la propagation des fake news via les réseaux sociaux, qui pourrait atteindre la réputation d’un acteur des paiements, associé à un réseau social ou une appli défaillante. Enfin, le risque de non-protection de la vie privée demeure une inquiétude récurrente pour les utilisateurs.

Et pourtant, l’obsession de la protection de la vie privée n’est-elle pas excessive lorsqu’il s’agit de paiement ? N’est-il pas plus facile de donner l’accès à son historique bancaire qu’à ses conversations sur WhatsApp ou Messenger, si c’est pour bénéficier d’usages facilités et de meilleures conditions d’achat ? Il faut, en effet, distinguer l’accès à la donnée de son utilisation. Pour réussir la construction de l’édifice data, les acteurs du paiement ne devront pas suivre la devise officieuse de quelques grands du Net « Move fast and break things », ou « Aller vite et tant pis pour la casse », qui pourrait mener à l’effondrement du système data, privilégiant préférentiellement une vue à très court terme. Dans la mesure où les données viennent alimenter des usines intelligentes, qui produiront les règles et les normes de la société humaine de demain, leur maîtrise devient une clef des pouvoirs médiatique, économique et politique. C’est tout l’enjeu pour les paiements. Chaînon essentiel de l’économie, les acteurs des paiements offrent une infrastructure alliant sécurité et éthique, il est encore temps pour eux de jouer leur carte maîtresse dans le tourbillon du big data.