Interview Régis FOLBAUM

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Régis FOLBAUM

Directeur des Paiements de La Banque Postale
1 – Quelle est votre vision du monde du paiement ?

 Nous devons livrer à nos clients, consommateurs et concitoyens des moyens de paiement qui soient rapides sécurisés et faciles à utiliser… le tout dans un écosystème en rupture avec l’internationalisation des acteurs, la digitalisation, la dématérialisation, le poids croissant des Fintechs dans les paiements et la remise en cause des solutions et des modèles d’affaires traditionnels. De plus, au-delà de la sécurité et de la facilité d’usage, on doit s’assurer du bon niveau d’acceptation des nouveaux moyens de paiement.

La tendance actuelle est l’instantanéité. Or le temps réel coûte cher à financer, à maintenir et à suivre au quotidien… et ce d’autant plus qu’il faut garantir la qualité de service, la sécurité et la facilité d’usage.

Les enjeux aujourd’hui sont multiples, mais le premier est le financement des infrastructures et des plateformes de paiement. Cela suppose qu’il y ait un business model existant, or ce n’est pas toujours le cas, y compris pour les initiatives poussées par la BCE autour de l’Instant Payment (IP) par exemple. Pour réduire les coûts unitaires, il nous faut avoir des volumes importants. C’est le cas sur la carte, sur le SCT, le SDD, mais pas encore sur l’IP. Dans cette logique-là, La Banque Postale s’est engagée depuis plusieurs années dans la mutualisation de ses plateformes. Nous le faisons avec la Société Générale au sein de notre JV Transactis. Cette mutualisation nous a permis d’accélérer nos délais de mise en marché tout en maintenant des coûts de « build » et de « run » modérés. Après la monétique, nous sommes maintenant engagés sur les paiements, nous avons étendu notre partenariat au SCT et au SDD et c’est sur cette base-là que nous avons une plateforme commune pour l’IP.

Évidemment, quand on parle de « run » il n’y a pas que l’informatique, il y a également du middle et du back office. Aussi, La Banque Postale est engagée dans un programme d’optimisation de ses processus.

Enfin, il faut savoir se prémunir dans la lutte contre la fraude avec de nouveaux scénarios qui peuvent arriver. Sur ces questions-là, nous faisons appel au « Machine Learning » et à l’Intelligence Artificielle.

 

2 – Comment La Banque Postale se distingue-t-elle des autres banques en matière de paiement ?

À La Banque Postale nous avons une vision « banque & citoyenne » des paiements. Nous avons un côté très « terrain » considérant que nous devons équiper tous nos clients, y compris les plus fragiles, parfois en rupture digitale, voire en pré-inclusion bancaire avec une très forte dépendance aux espèces (nous délivrons ainsi beaucoup d’espèces au guichet). Et de l’autre côté, nous avons tout d’une grande banque, que ce soit dans les programmes communautaires français, comme Paylib, ou d’autres innovations comme le lancement de notre établissement de paiement et de monnaie électronique eZyness.

De fait, nous couvrons tout le spectre, allant des espèces au portefeuille numérique, et ce tant pour les particuliers que pour les personnes morales.

 

3 – Quelles prochaines innovations prévoyez-vous pour 2019/2020 ?

 Les innovations de 2019 seront articulées autour de quatre axes. Premièrement, l’immédiateté avec le lancement de l’Instant Payment à l’émission, y compris au sein de Paylib entre amis. Deuxièmement, ApplePay qui vient juste d’être lancé. Troisièmement, tout ce qui est lié au self-service avec le lancement de Perso Carte qui permet au client de personnaliser l’usage de sa carte. Et enfin, tout ce que nous allons développer autour de l’encaissement pour compte de tiers, du « Pin on glass » et des nouveaux moyens de paiement digitaux type Alipay qui sont logés au sein de notre filiale eZyness.

 

 4 – Comment La Banque Postale se prépare-t-elle à l’arrivée des « normes techniques de réglementations » (RTS) de la DSP2 en septembre 2019 ?

Les RTS ont été publiées en mars 2018, mais les règles relatives à la mise en place des API et de l’Authentification Forte (AF) n’ont vraiment été stabilisées qu’en juillet 2018. La Banque Postale a été moteur au sein du groupe API du CNPS sur les travaux du « redirect » fluide entre les banques et les Fintechs. Le standard API STET a été publié en septembre 2018.

S’agissant de l’AF, nous avons déterminé les solutions à déployer et travaillons activement à l’équipement de ses clients. La Banque Postale proposera l’AF à la première connexion puis tous les 90 jours en septembre 2019. Pour le canal API permettant l’accès aux comptes de paiement, La Banque Postale est en cours de mise en œuvre de son « API manager » et de ses trois API réglementaires et nous venons de mettre à disposition des développeurs notre « bac à sable ».

De manière concomitante, nous expérimentons notre API consultation de comptes avec une Fintech. Ces travaux restent cependant techniquement complexes à mener du fait de la taille des SI à faire évoluer dans une période où La Banque Postale à fait le choix de transformer ses usines de paiements.