Le Cash à l’heure de la DSP2 et des néo-banques

Le Cash à l’heure de la DSP2 et des néo-banques

Paradoxalement, si la DSP2 contribuera, dès le 13 janvier 2018, fortement à la transformation digitale de l’écosystème des paiements, en facilitant la numérisation des relations entre prestataires de services et usagers, et le déploiement des néo-banques, la DSP2 n’a pas bridé les services autour du cash. La DSP2 a, en effet, pour enjeu de permettre la compétition de façon plus juste, pour l’ensemble des agents économiques, en ouvrant le marché à tous. Certes, la digitalisation des transactions est bien en marche depuis 50 ans. La digitalisation de la monnaie a démarré timidement, il y a environ 25 ans et semble s’accélérer avec le foisonnement des monnaies électroniques. Toutefois, quatre éléments sont à prendre en compte dans la transformation digitale, le caractère humain réfractaire au changement, surtout concernant des outils tangibles et qui donnent satisfaction, le coût de mise en œuvre pour changer de technologie, le taux de fraude et la sécurisation des données, et le respect de la vie privée. Ces éléments concourent à préserver l’usage du cash. Celui-ci rassure, aide à visualiser et gérer les dépenses.

Comme le note la Banque de France, l’Europe reste attachée au cash, ce que démontrent également nombre d’indicateurs. En Europe, le taux de cash s’élève en moyenne à près de 80 %.  En France, le fiduciaire représente encore 28 % de la valeur des transactions et plus de 68 % en nombre, en Italie 89% en volume, en Allemagne 53 % en valeur et 80 % en nombre comme en Autriche. Et ce n’est pas une caractéristique exclusivement européenne, au Japon, le cash représente 70 % des transactions en valeur et aux États-Unis un peu moins de 50 %. En zone Euro, d’après une étude la BCE, la demande de billets euro a même crû. Le nombre de retraits en France, depuis 10 ans, est resté stable malgré l’essor du e-commerce et de l’équipement en terminaux de paiement des commerçants. On note également une progression du montant des retraits. D’ailleurs, les néo-banques intègrent dans leur offre le retrait d’espèces.

Dans un monde où l’on paierait tout en digital, comment pourrait-on régler sans solution de contournement, en cas de dysfonctionnement, de black-out, de point de compromission de fraude, de cyberattaque ou encore de crise économique ? Les dysfonctionnements ou coupures de réseau sont certes rares mais se sont produits et se reproduiront. Et les dernières crises économiques ont démontré que le cash restait une valeur refuge.

La DSP2 reconduit comme la DSP1 le versement et le retrait d’espèces sur un compte de paiement. Avec la DSP2, les prestataires de services de paiement et les commerçants pourront maintenant délivrer des espèces. Cette fonction était proposée par certains commerçants équipés de TPE et permise jusqu’au début des années 2000 en France, fonction MasterCard et Visa dite cashback. Ce service était bien utile dans les villages, où le bureau de tabac pouvait délivrer du liquide au détenteur de la carte, via une transaction carte bancaire. Ce moyen de retrait cash est très utilisé dans les pays peu bancarisés, pour récupérer les fonds chez un commerçant, soit par une transaction carte bancaire, un token, un mobile, ou un numéro de compte bancaire.

Même si la gestion du cash reste un coût pour les banques, les commerçants ou les prestataires de services, la demande en fiduciaire va rester soutenue encore de longues décennies. Et cela, pour au moins cinq raisons : le cash est anonyme, garanti, résilient, totalement gratuit pour le consommateur, et il est sûr. En effet, la fraude ou contrefaçon reste très faible, 30 contrefaçons par million de billets, alors que la fraude reste plus élevée sur les moyens de paiement électroniques. Verra-t-on dans la prochaine décennie un changement de politique des banques centrales vis-à-vis du cash pour le supprimer ? Aujourd’hui, on vit un paradoxe, essor des moyens de paiement électroniques, poussée des monnaies digitales telles que bitcoin, soutenues parfois par des institutions internationales. Depuis 50 ans, la carte bancaire a plutôt grignoté le chèque et peu le cash. En revanche, la carte sans contact, avec son plafond relevé récemment, et le smartphone prendront-ils une part conséquente du gâteau du cash ? Le fiduciaire va-t-il continuer à accompagner les paiements pour permettre de répondre aux besoins forts d’anonymat, de gratuité et de gestion des dépenses pour les particuliers, notamment pour une part significative de la population vivant toujours dans des conditions précaires ? Rappelons que la monnaie sonnante et trébuchante, au-delà de son rôle économique, joue aussi un rôle social, utile dans notre société qui se virtualise.

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Directeur d’activités Expertise GRF / Moyens de paiement en Europe